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L’avidité à long terme : pourquoi les investisseurs doivent faire abstraction du bruit

By Patrick Jenkins | mai 10, 2021

Cette semaine, une organisation britannique bien intentionnée, The Purposeful Company, publiera une nouvelle réplique à une question qui préoccupe le monde du travail depuis que James Rowntree, incarnation du capitalisme bienveillant, a remis en question l’image de l’industriel victorien cupide : comment faire en sorte que les entreprises se préoccupent moins des profits rapides et plus des avantages sociaux qu’elles apportent, ou du moins comment faire en sorte qu’elles soient perçues comme telles?

Will Hutton, économiste politique et coprésident du groupe de pression, se fait l’avocat des « Purpose Tapes », un amalgame d’entretiens avec 14 chefs d’entreprise sur des sujets allant de la finance responsable (abordée par le directeur général de Barclays, Jes Staley) à la gestion responsable de l’eau (abordée par la patronne de Severn Trent, Liv Garfield).

Le résultat diffère selon le point de vue que l’on adopte : soit on y voit une soixantaine de pages de bagou de relations publiques ou bien un manifeste en faveur d’une véritable réforme de l’entreprise, qui considère la génération de bénéfices comme un résultat bienvenu d’une activité commerciale utile, plutôt que comme un objectif en soi.

On se trouve également au cœur d’un éternel débat sur l’investissement ainsi que sur les avantages, tant au niveau individuel que sociétal, d’un horizon d’investissement à long terme par rapport à l’appât du gain à court terme.

L’initiative de Hutton, dans un sens, correspond à l’humeur du moment. Le monde s’adapte aux réalités post-pandémie, douze ans à peine après la pire crise financière de toute une génération. La tendance est de repenser le capitalisme et de privilégier les investissements ayant un filtre environnemental, social et de gouvernance.

De toutes les grandes entreprises du monde, Unilever (un autre des participants aux « Purpose Tapes ») est probablement la plus connue pour avoir pris position sur ces questions. L’ancien directeur général Paul Polman a un jour affirmé que le groupe était « la plus grande ONG du monde ». 

Le propriétaire de marques grand public allant de la mayonnaise Hellmann’s aux produits de beauté Dove a certainement une longueur d’avance sur de nombreux concurrents en termes d’intégration des mesures de durabilité dans ses processus de production.

Mais, comme l’a souligné Investico, un organisme néerlandais de journalisme d’investigation, il existe un conflit inévitable entre l’expansion des ventes et la réduction de l’impact sur la planète, ce qui est particulièrement évident dans l’expansion sur les marchés émergents et le passage des consommateurs des produits fabriqués localement aux marques occidentales fortement emballées.

Severn Trent, également interrogée pour les « Purpose Tapes », reconnaît explicitement la tension entre consommation et vente et, à la grande surprise de tous, se range du côté de la réduction de la consommation.

« Nous préférerions de loin que vous utilisiez moins de notre produit afin d’économiser de l’eau », déclare la chef de la direction Liv Garfield, arguant qu’une surconsommation d’eau à court terme pourrait entraîner des pénuries à plus long terme, qui nuiraient aux perspectives commerciales. Mme Garfield ne mentionne cependant pas l’amende de 500 000 livres infligée à Severn Trent en 2019 pour avoir déversé des eaux usées brutes dans un parc des West Midlands, au milieu de critiques selon lesquelles la rémunération des dirigeants et les dividendes élevés avaient été privilégiés par rapport aux dépenses d’entretien et de nettoyage. Plus récemment, l’entreprise a été applaudie par l’Environment Agency pour ses performances.

Si l’on ne s’arrête pas aux incohérences, il y a là un point important, bien qu’évident : les entreprises devraient exceller sur le long terme si elles pensent réellement à la durabilité à long terme. Cela devrait à son tour susciter le soutien des actionnaires à long terme.

Le hic, c’est que malgré toutes les initiatives de soutien dans le monde, du ralliement de Joe Biden à l’accord de Paris au boum de l’ESG, la dernière année a apporté des gains à ceux qui adoptent une approche à plus court terme.

Jan Loeys, stratège des marchés chez JPMorgan, estime que les fonds spéculatifs, qui prennent généralement des paris opportunistes à court terme, viennent de connaître leur meilleure année depuis 2006, l’indice HFRI générant un alpha, c’est-à-dire un rendement excédentaire par rapport à un portefeuille standard d’actions et d’obligations, de 14,6 %.

L’investissement activiste, qui est parfois un remède sain à l’inefficacité, mais parfois aussi l’ennemi du long terme, a également connu un essor considérable. Selon le Review of Shareholder Activism de Lazard, l’année dernière a été une année record pour les nouvelles campagnes en Europe, avec un total de 58 campagnes, soit une augmentation de 21 %. Au même moment, les entreprises se sont précipitées pour s’introduire sur les marchés boursiers, souvent par le biais de SAVS, qui recherchent des gains rapides pour les promoteurs.

Mais les gains à court terme sont souvent suivis de pertes tout aussi rapides lorsque le cycle du marché se retourne. Cela pourrait être douloureux pour l’investisseur à court terme. Mais pour ceux qui sont prêts à s’engager sur une plus longue période, peut-être jusqu’à 30 ans, ces turbulences ne devraient être que des bruits agaçants sur la voie d’un capitalisme plus durable.

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