L’utilisation du CELI comme outil de transfert

En 1986, les Rolling Stones ont repris la chanson R&B de 1963 intitulée Harlem Shuffle. Si la version originale du duo Bob & Earl a connu un succès modeste, la reprise des Stones s’est hissée au sommet des palmarès dans certaines régions, culminant à la cinquième place au Canada. Le groupe de rock autoproclamé meilleur du monde avait apporté sa touche personnelle à une belle œuvre et l’avait rendue plus belle encore.

Personne ne prétend que la planification fiscale est aussi attrayante qu’une musique raffinée, mais la magie peut vraiment s'opérer lorsque les bonnes choses sont réunies. En fait, si vous prenez une bonne chose (un CELIAPP pour une maison, un REEE pour des études, un REER pour la retraite) et que vous la combinez avec une autre (le CELI omniprésent), vous pouvez vraiment produire un tout qui est supérieur à la somme de ses parties.

Les principes du CELI

Lancé en 2009, le compte d’épargne libre d’impôt (CELI) permet aux dépôts après impôt de s’accumuler à l’abri de l’impôt et d’être retirés en franchise d’impôt. En revanche, un régime enregistré d’épargne-retraite (REER) est financé par des dépôts avant impôt qui s’accumulent (eux aussi) à l’abri de l’impôt, mais qui sont imposés au moment des retraits.

 Une comparaison des deux régimes était inévitable, et on l’a souvent présentée sous la forme d’une opposition : « CELI ou REER ». Cependant, une approche plus productive serait d'envisager l'utilisation de ces deux régimes, plutôt que de l'un ou l'autre. Plus précisément, si le CELI est utilisé comme point d’entrée dans un REER ou un autre régime à l’abri de l’impôt, ce choix de placement initial peut permettre de tirer parti d’une caractéristique précieuse propre au CELI.

Possibilité de cotiser à nouveau les montants retirés

Alors que les droits de cotisation à d’autres régimes à l’abri de l’impôt sont épuisés unilatéralement au fur et à mesure que les cotisations sont versées, le calcul pour les droits de cotisation du CELI s’effectue dans les deux sens. Pour un résident canadien de plus de 18 ans, les droits de cotisation annuels se composent de trois éléments :

1) le plafond annuel prescrit du CELI, qui est actuellement de 7 000 $; +

2) les droits de cotisation inutilisés des années précédentes; +

3) les retraits effectués l’année précédente.

La troisième composante permet d’utiliser le CELI de concert (jeu de mots intentionnel) avec les autres produits à l’abri de l’impôt. Au sens chimique du terme, alors qu'un « catalyseur » reste inchangé après avoir influencé une réaction, non seulement un CELI peut aider à bonifier un autre régime, mais l'avantage de cette interaction peut également profiter au CELI.

Voici quelques exemples (hypothèses)

Voici Mick, qui est dans la vingtaine. Il épargne régulièrement pour ses besoins courants et est prêt à mettre de côté 100 $ de plus par semaine. Il a l'intention d’utiliser un compte d’épargne à intérêt élevé (CEIE) à cette fin, le taux d’intérêt en vigueur au début de 2024 étant de 4 %. L’année vient de commencer et il n’a pas encore utilisé ses droits de cotisation annuels à un CELI.

Étant donné qu’il y a 52 semaines dans une année, nous utiliserons 5 000 $ comme total annuel. Et même si ses liquidités et les conditions du CEIE pourraient varier, nous les maintiendrons constantes dans cet exemple.

Le CELIAPP pour l’achat d’une propriété

Compte tenu de l’état des prix de l’immobilier, Mick sait qu’il doit commencer à épargner pour une mise de fonds et il souhaite utiliser le nouveau compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP). Le plafond de cotisation annuelle de base est de 8 000 $, avec une limite à vie de 40 000 $. Son plan lui permettra d’épargner environ 5 000 $ par année et d’utiliser ses droits de cotisation à vie en huit ans.

Par ailleurs, Mick pourrait ouvrir des CEIE pour son CELIAPP et son CELI. En supposant les mêmes conditions pour chacun des comptes, les dépôts hebdomadaires pourraient être versés dans le CELI. Ensuite, après 50 semaines à la mi-décembre, le solde pourrait être retiré et déposé dans le CELIAPP avant la fin de l’année. Il est important d’être attentif aux dates pour deux raisons :

• La possibilité de cotiser à nouveau un montant retiré du CELI commence le 1^erjanvier suivant, donc si le montant n'est pas retiré du CELI à temps, il faudrait attendre 365 jours pour le faire.
• Bien que la déduction des cotisations au CELIAPP puisse être reportée à une année ultérieure, elle ne peut pas être appliquée à une année antérieure (c’est-à-dire qu’il n’y a pas de règle des « 60 premiers jours après la fin de l’année », comme c’est le cas pour les REER).

Si l’on fait abstraction du calendrier, le solde moyen du CELI pour l’année aura été de 2 500 $. Avec un taux d’intérêt de 4 %, le solde à la mi-décembre sera d’environ 5 100 $.

• Un transfert annuel du CELI vers le CELIAPP de ce montant total permettra à Mick de maximiser son CELIAPP en un peu moins de huit ans. Avec des dépôts annuels de 5 000 $ dans son CELI et des retraits de 5 100 $, le montant pouvant être cotisé à nouveau sera de 100 $ chaque année, ce qui donne à Mick 800 $ de plus en droits de cotisation au CELI sur la durée totale en ayant utilisé l’option de transfert.
• Si, au lieu de cela, 5 000 $ sont retirés du CELI chaque année, il faudra à nouveau exactement huit ans pour maximiser le CELIAPP, comme si le CELI n’avait pas été utilisé. Cependant, l’utilisation du CELI comme outil de transfert créera un solde supplémentaire de 800 $ dans le CELI, sans apporter de changements importants aux choix de placement de Mick ou à son exposition au risque.

Le REEE pour les études

Maintenant dans la trentaine, Mick espérait que son fils Jack obtiendrait une bourse d’athlétisme en raison de ses prouesses en saut à la perche. Mais en grandissant, il semble que les talents de sauteur de Jack n’aient été qu’un feu de paille, et Mick doit maintenant rattraper les cotisations qu’il aurait dû verser au régime enregistré d’épargne-études (REEE) de son fils. Compte tenu du report des droits inutilisés antérieurs, Mick prévoit déposer 5 000 $ pendant les sept prochaines années environ, afin de recevoir la subvention maximale.

Comme dans l’exemple du CELIAPP ci-dessus, les dépôts pourraient être versés directement dans le REEE ou passer d’abord par l’intermédiaire d’un CELI. La subvention canadienne pour l’épargne-études (SCEE) est le principal programme de soutien; elle correspond à 20 % des cotisations annuelles à un REEE, soit 1 000 $ dans notre exemple. En passant par le CELI, au lieu de cotiser directement au REEE, la réception d'une partie de la SCEE sera reportée de quelques mois. Malgré tout, il s’agit d’un petit prix à payer pour obtenir le solde ou les droits de cotisation supplémentaires du CELI, qui s’élèveront à un peu plus de 700 $ pour les années prévues selon les mêmes conditions relatives aux CEIE.

Par ailleurs, une fois que Jack est inscrit à un programme d’études postsecondaires admissible, les cotisations personnelles au REEE peuvent être retirées en franchise d’impôt. Le montant retiré pourrait être redirigé vers le CELI de Mick, en supposant qu’il y ait suffisamment de droits de cotisation. Même si le revenu continu était à l’abri de l’impôt, qu’il soit laissé dans le REEE ou transféré dans le CELI, une fois de plus, la possibilité de cotiser de nouveau les montants retirés du CELI favorise son utilisation.

Si Mick veut aller plus loin, il pourrait même cotiser une certaine partie de son remboursement d'impôt dans le CELI de Jack. Après tout, l’entrée de Jack au niveau postsecondaire aura lieu à peu près à l’âge de 18 ans, date à laquelle il commencera à obtenir des droits de cotisation à un CELI. Le moment pourrait être bien choisi pour acquérir les connaissances, les outils et les comportements qui l’aideront dans son parcours en matière de finances personnelles.

LE REER pour l'accumulation en vue de la retraite

À mesure que Mick traverse la quarantaine, la cinquantaine et la soixantaine (et même si certains observateurs ont l’impression qu’il incarne la jeunesse éternelle), ses efforts d’épargne se concentreront de plus en plus sur la retraite. Les montants seront plus importants, qu’il s’agisse des sommes épargnées, de leur accumulation ou des retraits annuels, mais pour le reste, les mêmes principes fondamentaux s’appliquent. Mick pourrait investir directement dans un REER ou utiliser un transfert CELI-REER, en gardant à l’esprit que des montants retirés plus élevés signifient des montants plus importants pouvant être cotisé à nouveau dans le CELI.

Un autre effet à prendre en compte est le remboursement d’impôt annuel auquel Mick peut s’attendre après avoir déduit ses cotisations à un REER qui n’est pas lié à son emploi, lorsqu’il produit sa déclaration de revenus annuelle. Si ce remboursement est également déposé d’abord dans le CELI, le montant pouvant être cotisé à nouveau dans le régime chaque année sera plus élevé.

Investir dans le marché ou dans un CEIE?

La période pendant laquelle on épargne pour la retraite et la retraite elle-même peuvent durer des dizaines d’années. Même si un CEIE peut être utile à court terme, par exemple pour l’achat d’une propriété ou pour des études, il n’est pas adapté pour constituer l’essentiel de l’épargne-retraite. En effet, un portefeuille de placement diversifié est généralement plus approprié pour l’épargne REER. Par ailleurs, un portefeuille CELI parallèle peut être mis en place pour faciliter le transfert en cours d’année.

Puisque le rendement attendu est plus élevé (bien que variable et non garanti) que celui d’un CEIE, le montant pouvant être cotisé à nouveau dans le CELI pourrait s’en trouver accru.

Le FERR pour le décaissement à la retraite

Après ses 70 ans, Mick aura transféré ses REER accumulés dans un fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) aux fins de décaissement, avec des retraits annuels minimums obligatoires. Par défaut, il effectuerait probablement un retrait hebdomadaire ou mensuel fixe pour ses dépenses. Autrement, il pourrait retirer une somme forfaitaire de son FERR en début d’année et le verser dans un CELI (le CEIE étant le plus approprié pour cette utilisation), dans lequel il dispose toujours des droits de cotisation, ce qui augmenterait encore ses droits de cotisation au CELI.

Le CELI, le petit assistant des autres régimes

En 15 ans d’existence, le CELI est passé du statut de nouveauté à celui d’élément incontournable de notre paysage financier. En l’utilisant comme outil de transfert, sa flexibilité intégrée peut alimenter d’autres régimes à l’abri de l’impôt, ce qui le rend encore plus performant.

^{Les renseignements contenus dans le présent article proviennent de sources jugées fiables. Nous ne pouvons toutefois garantir leur exactitude ou leur exhaustivité. Ce document est fourni à des fins éducatives et d’information uniquement et ne vise pas à apporter précisément, sans s’y limiter, des conseils financiers, fiscaux, de placement ou de toute autre nature.}